Éclairage sur cette tradition et ce rite marquant :
L’Église vit au rythme de cycles, qu’ils soient quotidiens, hebdomadaires, annuels… Mais parmi ces mouvements en spirale qui nous font entrer dans le mystère, il en est un qui, par sa rareté, nous fait prendre conscience du déroulement de l’histoire sainte depuis la venue du Christ dans la chair.
C’est le cycle des Jubilés. il s’enracine dans l’année jubilaire biblique qui toutes les sept fois sept ans (un cycle de sept années sabbatiques) remettait les compteurs à zéro. « Vous déclarerez sainte cette cinquantième année et proclamerez l'affranchissement de tous les habitants du pays« , lit-on dans le Lévitique (25,10). c’était une année de grâce et de libération. Elle était appelée « Jöbël » car annoncée au son d’une trompe faite en corne de bélier (l’un des sens de ce mot). Saint Jérôme, auteur de la version latine de la Bible, rendit ce mot hébreu par le latin jubilaeus (de jubilum, « qui renvoie à la joie ») en raison de leur proximité phonétique. Ce grand cycle d’années fut ignoré par l’Église jusqu’à ce qu’en 1300 le pape s’en inspire pour répndre au désir de pèlerins venus à Rome. Le poète Dante participa comme le peintre Giotto à ce premier Jubilé. Mais il fallut attendre l’an 1470 pour que sa périodicité soit fixée à 25 ans (il était de 50 années auparavant), c’est-à-dire une fois par génération.
L’année sainte est un temps offert pour favoriser le retour de chacun au Christ,
« Voie, Vérité et Vie ». Le pape lance à cette occasion un appel universel à se mettre en pèlerinage vers le Christ, et favorise la libération des conséquences spirituelles du péché en vertu du pouvoir des clés confié à Pierre selon cette parole : « je te donnerai les clés du Royaume des cieux: tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux » (Matthieu 16, 19). Le symbole le plus marquant de cette année jubilaire est d’ailleurs une porte : la Porte sainte. Originellement située à Saint-Jean de Latran, la cathédrale du pape, évêque de Rome, elle a été dupliquée dans les trois autres basiliques majeures et en particulier à Saint-Pierre de Rome, où elle est désormais d’abord ouverte. Le 24 décembre 2024, ce geste du pape François a ainsi marqué le début du Jubilé 2025 intitulé » Pèlerins de l’espérance ».
La porte est d’abord le symbole du Christ
qui a dit : » Je suis la porte : si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé » (Jean 10, 9). Elle ouvre au chemin de retour à Dieu dont elle est comme une synthèse. Le pape est passé le premier sous son fronton pour être suivi, jusqu’au 6 janvier 2026, par tout un peuple de pèlerins. Nous pourrons aussi effectuer cette démarche dans l’une des trois autres basiliques majeures à Rome ou partout où un évêques diocésain aura institué une porte sainte. Le passage par cette porte est comme le climax d’une démarche jubilaire qui permet d’obtenir la grâce rare de l’indulgence plénière. Il n’y a évidemment rien d’automatique. C’est un geste à forte portée symbolique qui doit être accompli en conscience et préparé par la pratique du sacrement de pénitence et de réconciliation (la confession), ainsi que par une démarche de prière. En cette année qui est à la fois le 1700ème anniversaire du concile de Nicée et le 60ème de la clôture de Vatican II, on pourra par exemple méditer les articles de foi du symbole de Nicée-Constantinople ou lire avec attention les constitutions du dernier concile œcuménique. Le Jöbël biblique annonçait de façon prophétique la venue du Christ qui, au début de son ministère public, reprit à son compte les paroles d’Isaïe : »l'Esprit du Seigneur... m'a envoyé... annoncer une année favorable accordée par le Seigneur » (Luc 4,16 .21). L’année jubilaire que nous allons vivre en 2025 participe à la venue de son règne, libérateur et illuminateur, et contribue à nous orienter vers l’horizon de son retour glorieux.
Par Xavier Accart, extrait du magazine Prier N°468